Extrait 001 – Le début de l’aventure


– Enfin ! s’exclama Saêl avec un sourire ravi sur les lèvres.

Le bruit de ses pas qui retentissait sur les murs s’accéléra. Il était enfin arrivé ! Après avoir fait de laborieuses recherches pour tomber finalement sur une carte qui semblait fiable, après avoir fait un voyage épuisant, et après avoir déjoué d’insurmontables pièges de toutes sortes ! Il y était !

Dans la salle du trésor.

Son sourire s’agrandissait au fur et à mesure qu’il approchait de la boîte qui reposait au fond de la salle. Il n’était pas étonné que ce fût l’unique objet de cette pièce qui pouvait contenir un trésor… Après tout, les histoires et rumeurs racontaient que quelque chose de formidable devait se cacher dans cet édifice érigé par des mains à présent oubliées, si bien protégé par des pièges en tous genres.

Et son nez de chasseur sentait très clairement quelque chose d’exceptionnel ! Hâtif, mais avec la prudence et l’expérience que seuls ceux de son métier avaient, il s’approcha du coffre qui devait contenir son précieux. Ses mains tremblaient quand il ouvrit une petite fiole pour verser son contenu – une fine poudre cuivrée – sur le coffre. Rien ne se passa. Il fronça les sourcils. Pas de piège magique ? Là, son instinct lui disait que quelque chose était louche. Il renifla. Aucun doute, ça sentait le trésor à plein nez ! Après avoir vérifié le coffre une nouvelle fois à la recherche de pièges classiques, il prit une bonne inspiration et, d’un seul coup sec, l’ouvrit.

Le coffre était vide.

Il ne se laissa pourtant pas décourager pour autant. Il sortit une nouvelle fiole, remplie avec une poudre blanchâtre, qu’il étala doucement à l’intérieur. Pas de sort d’invisibilité. Il frappa le sol, l’inspecta. Pas de double-sol non plus. À ce point, il commença légèrement à désespérer. Il avait pourtant un nez si fiable ! Et surtout… Et surtout… Il avait fait toute cette saleté de donjon en risquant sa vie à plusieurs reprises pour finir avec un coffre vide ?! En lâchant un juron, il donna un coup de pied dans la boîte, qui valsa contre le mur proche.

Quelqu’un serait-il passé avant lui ? Impossible, son nez était fiable ! S’il sentait un trésor, c’est qu’il y avait un trésor ! Donc, s’il n’était pas dans le coffre… Il était autre part !

Sur cette conclusion, il laissa errer son regard décidé à travers la salle. Faite d’une pierre blanche, elle était spartiate : des murs nus, quelques rares piliers, le coffre. C’est à quoi elle se résumait. Il avait laissé sa torche au milieu de la salle pour l’éclairer le plus possible. Ah, les torches magiques avec leur feu blanc inoffensif qui ne s’éteint jamais ! Une des inventions les plus pratiques jusqu’à présent, il en était convaincu.

– Mon précieux trésor, chuchota-t-il amusé, où t’es-tu caché ? Ce n’est pas gentil de te jouer de moi, alors que j’ai fait un si long chemin pour venir te chercher !

Il gratta sa barbe de trois jours en réfléchissant. Le moyen le plus sûr était d’abord d’analyser la pièce, à la recherche de présence de magie. Si jamais il y avait un sort-piège quelque part, il valait mieux être au courant !

Il poussa un soupir. Décidément quel travail laborieux ! Mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas, en tant que chasseur de trésors, pour parvenir à son but ?

Une petite fiole ne suffisait pas. Il allait passer une éternité à étaler de la poudre partout ! C’était dans ces instants-là qu’il aurait aimé profiter de la magie innée. Mais rien à faire. Il faisait partie de ces rares créatures qui n’avaient pas la moindre parcelle de magie en elle, et qui devaient tout faire avec des gros grimoires, livres, classeurs et des fioles. Il ouvrit son sac de voyage et en sortit une grosse pile de feuilles, qu’il se mit immédiatement à feuilleter. Détection de magie sur zone étendue… voyons…. De nos jours il y avait bien d’autres moyens pour éviter de s’encombrer : les tablettes de lecture. Mais elles coûtaient une fortune, que le chasseur ne pouvait pas se permettre de dépenser. Ni même la majorité de la population. Les tablettes de lecture étaient un luxe réservé aux gens des classes supérieurs. D’ailleurs, depuis la révolution magique, le gouffre entre les couches sociales s’était creusé encore davantage.

Il aurait pu acheter une ou deux tablettes de lecture au contenu risible avec l’argent de ses trésors vendus, mais c’était bien risqué. La magie s’usait, et il fallait la recharger régulièrement. Facile à faire en ville, impossible en dehors. Et si jamais la tablette s’abîmait dans ses aventures, il l’aurait bien dans l’œil ! Non, il était plus facile de troquer ses grimoires contre du papier. Plus facile à gérer que le parchemin, plus pratique, plus condensé, et bien moins coûteux dû à sa fabrication plus facile. S’il collectionnait les trésors, c’était pour une raison différente que s’acheter de nouvelles technologies hors de prix !

Une fois la bonne feuille trouvée, il rangea les autres et sortit de la craie noire.

– Mes Dieux ! Le dessin n’aurait vraiment pas pu être plus compliqué, soupira-t-il.

Il se dirigea vers le centre de la pièce avant de s’accroupir, la feuille en main, et d’y dessiner un motif en forme de cercle. De la magie pour les bons à rien non-magiques. Dès que son cercle fut terminé, il se mit à briller et plongea la pièce dans une lueur bleuâtre, sauf en un seul endroit.

Il avait envie de sourire ; mais à nouveau, ça lui semblait trop facile. Il empoigna son bâton, s’approcha du mur en restant à une distance de quelques pas et le tâta du bout du bâton. Rien ne se passa. Il fronça les sourcils. Pas de piège… Bien, quoi alors ? Il s’approcha du mur, et cette fois-ci tendit l’autre extrémité du bâton vers la paroi. La sphère qui y était fixée commença à briller doucement.

– Vas-y, dis-moi ce que fait cette magie, murmura-t-il en pêchant une feuille au fond d’une de ses poches.

Le désavantage de cette méthode était la perte de temps. La magie étant plutôt complexe et son bâton plutôt bon marché, il avait besoin de quelques bonnes minutes avant d’analyser la magie. Pas vraiment le moyen le plus rapide.

En poussant un autre soupir, il s’assit sur le sol, toujours le bâton en main, et examina la liste des couleurs que la boule pouvait indiquer pour telle ou telle magie. Puis il attendit.

Après cinq minutes, il se dit que c’était une magie plus complexe qu’il n’aurait cru.

Après dix minutes, il était convaincu que c’était une magie complexe.

Après quinze minutes, il commença à devenir impatient.

Après vingt minutes, alors qu’il était prêt à jeter le bâton contre le mur, la couleur se fixa et… s’éteignit. S’ensuivirent quelques secondes de silence avant qu’il ne se mette à enchaîner un juron après l’autre, secouant le bâton.

– Ça m’apprendra d’acheter des trucs pareils d’occasion ! pesta-t-il en jetant l’outil quelques mètres plus loin avant de fixer le mur d’un air irrité.

– Tu – me – fais – chier ! s’écria-t-il.

Et, dans un élan de rage, il balança son poing vers le mur avec violence.

Mais l’attaque n’atteignit jamais sa cible : elle passa à travers. Avant même de s’en rendre compte, il perdit l’équilibre et trébucha en avant. Il traversa le mur, et ses pieds ne trouvèrent soudainement… que du vide.
En poussant un hurlement d’effroi, il réalisa qu’il était en train de tomber. Une violente douleur au niveau de sa tête indiqua qu’il venait d’atterrir. Mais il ne le réalisa même pas, ayant sombré dans l’inconscience dès qu’il eût touché le sol.